L'Oiseau de Feu…

Ailes blanc-or palpitant dans l'immensité,
L'oiseau de flamme s'en alla miroitant au-dessus
D'une courbe de l'incendie-du-soleil vers la brume de l'ouest,
Effleurant, voile messagère, la vastitude d'été saphiréen
D'une mer torride, muette et déserte.
Alors dans le soir du monde déclinant la couleur
Et la splendeur revenant en arrière flottent
Jusqu'à ma poitrine à travers un air tremblotant de bleu,
Flamme et lueur tachant la robe
D'écume blanche-d'ivresse des eaux de l'Éternité.

Ailes blanc-or de l'oiseau de feu miraculeux,
Tardives et lentes êtes-vous venues de l'Au-delà-du-Temps
Ange, à moi ici amènes-tu pour la terre en travail
Un esprit silencieux et libre ou Sa passion pourpre de l'amour divin,
Du vin vermeil écumant tiré des cuves à ras bord
Embrasées de lumière, les cuves de l'extase,
Et foulé par les pieds prompts et
Impétueux du Danseur-dans-le-Temps
De son raisin-de-soleil fruit d'une vigne immortelle ?

Autel-de-rose-blanche érigé par le Silence éternel,
Rends maintenant vaste ma nature,
L'hôte intime de Sa solitude ; mais d'or au-dessus
Est le corps d'Une en sa Croix de diamant avec
Son halo de fleur-d'étoiles et de rais-de-passion !
Riche et rouge est ta poitrine,
Ô oiseau, comme le sang d'une âme
Gravissant les dents rocheuses rudes et escarpées du monde,
Blessée et nue, rubis d'amour pétalé-de-flammes
Dans le vaste-autel or-argent de la nuit
Limbée-de-lune et du jour levant.

Ô Flamme qui es l'ultime don-du-sacrifice du Temps,
Fleur-oblation par les dieux du fini tendue à l'infini,
Ô oiseau-merveille, aux ailes-de-lumière brûlantes,
Aux paupières descellées qui fixent au-delà de tout l'espace,
Un seul étrange essor de ta tension mystique
Brisant les barrières de mental et de vie,
Et arrive à son terme lumineux ton vol ;
Violant l'étreinte secrète du Silence et du Feu de pourpre,
Tu es devant les yeux d'une Face hors-du-Temps.

Sri Aurobindo

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