La Dame des Armoises ou la survivance de Jeanne d'Arc

Dès l'école primaire, nous apprenons que Jeanne d'Arc est née en 1412 à Domrémy et qu'elle est morte dans sa 19ème année, sur le bûcher, le 30 mai 1431 à Rouen. Elle est devenue la plus grande héroïne de l'histoire de France, mieux connue sous le nom de la "Pucelle d'Orléans", et depuis la XIXème siècle sous le terme de "Mère de la Nation Française".

Le 23 février 1429, cette jeune fille de dix-sept ans, d'origine paysanne, parvient à rencontrer le Dauphin Charles, à conduire victorieusement les troupes françaises contre les armées anglaises, levant ainsi le siège d'Orléans et conduisant le Dauphin au sacre à Reims, ce qui contribua grandement à inverser le cours de la guerre de Cent Ans qui prit fin en 1453.

Capturée par les Bourguignons à Compiègne, elle est vendue aux Anglais par Jean de Luxembourg pour la somme de dix mille livres, et elle est condamnée à être brûlée vive en 1431 après un procès en hérésie conduit par Pierre Cauchon, évêque de Beauvais et ancien recteur de l'Université de Paris.

Entaché de nombreuses irrégularités, le procès de 1431 est réouvert à la demande du pape Calixte III en 1452 et un second procès en réhabilitation est instruit. En 1456, le Pape Nicolas V conclut à son innocence et l'élève au rang de martyre. Bien plus tard, Jeanne d'Arc sera béatifiée le 18 avril 1909 et canonisée le 30 mai 1920, 489 ans plus tard...

L'église catholique en a fait une figure féminine présente dans un très grand nombre d'église alors que c'est quand même elle, par ses pratiques honteuses, qui l'a condamnée au bucher. Mais, il ya dans cette histoire énormément de zones sombres que Pierre vous invite à découvrir par le biais du texte qui suit écrit par Thévenin.

Dans ces écrits historiques, nous n'avons que les commentaires et les témoignages d'hommes écrits par des hommes, analysés et contredits par d'autres hommes. Pierre n'a pas trouvé un seul document écrit par une femme et il s'en étonne beaucoup car la vie de Jeanne d'Arc a forcément créée des émules parmi elles.

Pierre croit profondément que de nombreuses femmes ont engagées un combat de longue haleine pour faire émerger, à l'instar du Phoenix présent deux fois dans l'église de Névache, le retour des très anciennes formes de spiritualités que beaucoup de femmes, aujourd'hui encore plus qu'avant, ressentent au fond d'elles, le retour du Féminin Sacré.

Pierre croit en la seconde vie de Jeanne, épouse du comte des Armoises entre 1431 et sa disparition autour de 1446, quinze plus tard, quinze ans pendant lesquels elle a fait de nombreux voyages entrecoupés de nombreuses rencontres, certainement avec des femmes des noblesses française, savoyarde et italienne.

La transformation du vieux fort de Névache en église auquel un béguinage devait certainement y être accolé en est l'une des actions concrètes de certaines de ces femmes qui ont caché dedans un retable étonnant plein de symboles surprenants, notamment un Phoenix représenté deux fois, deux femmes qui dansent au-dessus de deux évêques et qui tendent leurs bras vers un Jésus en croix mais pourtant bien gai et bien vivant.

Le Secret de Jeanne d'Arc, comtesse des Armoises

Le récit de la survivance de Jeanne était de notoriété publique pendant les mois et années qui suivirent la mort de l'héroïne, à tel point que nombre de personnes furent les victimes de travesties peu scrupuleuses qui se faisaient passer pour la Pucelle d'Orléans.

Ces fausses Jeannes réclamaient des dons et autres subventions aux particuliers et aux communes qui avaient soutenu l'action politique et militaire de la Pucelle.

Ces faits historiques indéniables étaient oubliés jusqu'à ce qu'une correspondance paraisse dans le Mercure Galant en novembre 1683, adressée à Monsieur de Grammont, qui faisait référence à la chronique du Doyen de Saint-Thibaud datée de 1436 et qui révélait que la Pucelle n'avait pas été brûlée à Rouen.

Nous ferons dans cet article un certain nombre de rappels concernant les documents historiques disponibles, non pris en compte par l'histoire officielle, sans les énoncer dans le détail, et nous nous attacherons aussi à citer les avis des historiens qui ont travaillé sur le sujet. Certains auteurs ont écrit sur la Dame des Armoises sans pour cela reconnaître qu'il s'agissait de Jeanne la Pucelle. Ces derniers ne sont pas recensés dans notre bibliographie à l'exception de l'Abbé Ambroise Ledru dont les travaux méritent la citation.

Des textes sont ignorés par les historiens officiels pour qui la vie de notre héroïne s'arrête à la scène du bûcher et qui considèrent que toute l'histoire postérieure à cette scène est illustrée par de fausses pucelles. Les chroniques et considérations diverses d'époque sont nombreuses qui mettent en doute l'histoire officielle, à savoir d'abord la fameuse chronique précitée du Doyen de Saint-Thibaut ou "Chronique de Metz" qui nous dit :


"Le vingtième jour du mois de mai 1436, la Pucelle Jehanne qui avait été en France, vint à la Grange-aux-Hormes, près de Saint-Privey. Elle se faisait appeler Claude. Le même jour, ses deux frères arrivèrent auprès d'elle. Aussitôt qu'ils la virent, ils la reconnurent, et elle les reconnut aussi. Elle fut reconnue par plusieurs détails pour la Pucelle Jehanne de France qui amena Charles à Reims. Jehanne revint à Arlon, et là fut fait le mariage de Messire Robert des Hermoises, chevalier, et de Jehanne la Pucelle".

Cette chronique a été découverte en 1645 par un prêtre de l'Oratoire, le Père Jérôme Vignier, qui en avait fait un extrait, certifié conforme par un notaire. Le frère de ce dernier, Benjamin Vignier, fit publier, après la mort de Jérôme, dans le Mercure Galant de novembre 1683 un extrait aux pages 39 à 60 de la Revue. La Chronique du Doyen de Saint-Thibaut a été publiée par Dom Calmet dans les Preuves de l'Histoire ecclésiastique et civile de la Lorraine. Quicherat publie également des extraits dans son livre Procès VI à partir de la page 121.

Ce texte est une base d'investigation sérieuse pour les historiens car il est corroboré par d'autres documents lui donnant une valeur certaine :

Jérôme Pasquerel, chapelain de Jeanne, confia au procès de réhabilitation :
"Le roi et le duc d'Alençon connaissent le secret du bûcher. Moi je ne puis rien en dire..."

Thomas de Courcelles, juge assesseur de Cauchon indiqua pour sa part : "J'assistais au dernier sermon fait au vieux marché, le jour de la mort de Jeanne. Pourtant je ne la vis pas brûler, elle..."

La chronique bretonne de 1440 nous signale également : "L'an 1431, la veille du sacrement fut la Pucelle brûlée à Rouen ou condamnée à l'être".

Le Pape Pie II écrit en 1458 : "fut-ce œuvre divine ou humaine ? J'aurais peine à le dire... Il en est qui pensent que les grands du royaume s'étant divisés en présence du succès des Anglais, et ne voulant ni les uns ni les autres accepter un chef, l'un d'entre eux, le plus sage, aurait imaginé cet expédiant d'alléguer que cette Pucelle était envoyée de Dieu pour prendre commandement. Nul n'oserait se refuser à l'ordre de Dieu. Ainsi la conduite de la guerre aurait été confiée à la Pucelle avec le commandement des armées".

La Nef des Dames de Symphorien Champier, datant de 1503, nous renseigne ainsi : "Fut en trahison prise et baillée aux Anglais qui, en dépit des Français, la brûlèrent à Rouen, ce disent-ils néanmoins et que les Français nient".

Gabriel Naudé a soutenu que "La Pucelle n'avait jamais été brûlée qu'en effigie" dans ses livres de l'estat et succès des affaires de France - Paris 1570 - 1 - II - règne de Charles VI, ad. ann. 1427- 1430 et Histoire générale des rois de France - Paris 1576 -1- XXI, règne de Charles VII.

Un annaliste belge, prévôt d'Arnhem en Gueldre, Pontus Heuterus, attestait dans son livre sur les ducs de Bourgogne, paru en 1583, qu'un grand nombre de femmes et de savants niaient l'existence de Jeanne d'Arc et soutenaient que ce n'était qu'une légende. Cet auteur rechercha sincèrement la vérité, c'est pourquoi il faillit être pendu, nous signale Raphaël Symptor.

Georges Chastellain Chastelain, l'historiographe de la Maison de Bourgogne, conseiller de Philippe-le-Bon et de Charles-le-Téméraire, confirme les doutes dans les deux derniers vers de son poème Recollection des Merveilles advenues de notre temps:

"Sainte fut adorée par les œuvres que fit,
mais puis fut rencontrée et prise sans profit,
Arse à Rouen en cendres au grand dam des Français
donnans depuis entendre son revivre autrefois."

Le Journal d'un Bourgeois de Paris nous précise : "Il y avait donc moult personnes qui étaient moult années abusées d'elle, qui croyaient fermement que, par sa sainteté, elle se fut échappée du feu et que on eut arse une autre, cuidant que ce fut elle".

Le manuscrit 11542 du British Museum note : "finalement, la firent ardre publiquement, ou autre femme en semblable à elle, de quoi moult gens ont été et sont encore de diverses opinions".

William Caxton écrit dans son ouvrage de 1480 The Chronicles of England que Jeanne resta encore neuf mois en prison après sa condamnation.

Polydore Virgile ou encore Polydore Vergil, ou de son nom latin Polydorus Vergilius, 1470-1555, est un écrivain et historien italien. Après avoir étudié à Bologne et Padoue, il devint le secrétaire du duc d'Urbino et le camérier du pape Alexandre VI. Ses deux premiers écrits, le Proverbiorum libellus et le De rerum inventoribus libri VIII, parus en 1499, le rendirent célèbre et obtinrent une grande popularité.

En 1501 le pape l'envoya en Angleterre et il devint l'intime d'Henri VII ; ce dernier lui commanda une histoire d'Angleterre par laquelle Polydore devint le premier historien moderne, ne se contentant pas d'établir une simple chronique mais étudiant les événements ; il influença tous les historiens futurs et même Shakespeare dans sa vision de l'histoire. Il transcrit la même chose que Caxton dans son Historia Anglica LXXIII.

De Lanevère publie au Mercure de France en 1684 un livre intitulé Essai sur la question : Jeanne d'Arc a-t-elle réellement subi l'arrêt qui la condamnait au supplice du feu ? Les documents administratifs civils sont absents en ce qui concerne Jeanne car nous n'avons ni procès-verbal d'exécution ni un autre acte communal.

Plus récemment, Nicolas Lelong écrit en 1783 dans son Histoire Ecclésiastique du diocèse de Laon :
"On doute encore aujourd'hui en Lorraine si la Pucelle qui fut conduite voilée au bûcher a effectivement été brûlée."

Durant cinq de ses interrogatoires la Pucelle a affirmé qu'elle recouvrerait sa liberté. Sont en cause le 6ème, le 7ème qui se compose de deux sessions le même jour, les 8ème et le 11ème.

Le livre de compte de la ville d'Orléans est également un document important :

- Le livre de compte de la ville d'Orléans, pour le mois d'août 1436, stipule :
"À Pierre Baratin et Jacques Lesbahy pour bailler à Jean Dulils, frère de Jehanne la Pucelle, le mardi 21ème jour d'août de l'an 1436 pour don à lui fait la somme de 12 livres parisis pour ce que ledit frère de ladite Pucelle vint en la chambre de ladite ville requérir aux procureurs de la dite ville qu'ils lui voulussent aider d'aucun poids d'argent pour retourner pardevers sa sœur, etc."

- Les comptes d'Orléans mentionnent encore diverses dépenses faites à l'occasion des réceptions officielles offertes à Jeanne entre le 18 juillet et le premier août 1439, et notamment une somme de 210 livres "Pour le bien fait à la ville durant le siège" et de préciser : "À Jehanne des Armoises…"

- Les comptes de la ville d'Orléans portent, en date du 9 août 1439, soit huit ans après le bûcher, "Deux réaux d'or à Fleur-de-Lys, pour avoir apporté des lettres de par Jeanne la Pucelle". Le Héraut d'Armes de Jeanne avait donc repris du service auprès de la Pucelle.

- Le 21 août 1439,
"Douze livres-tournoi à Jehan du Lys, frère de la Pucelle, disant qu'il venait de devers le Roi, pour s'en retourner vers sa dite sœur".

La Rencontre avec le Roi

En septembre 1439 eut lieu une rencontre entre Jeanne et Charles VII, à Orléans, dans les jardins de l'intendant Jacques Boucher. Ce contact est noté par Guillaume Gouffier, chambellan du Roi :

"Jeanne vint droit au Roi, ce dont il fut ébahi et ne sut que dire, sinon en la saluant bien doucement et lui dit : “Pucelle, ma mie, vous, soyez la très bien revenue, au nom de Dieu qui sait le secret qui est entre nous ".

Alors elle se mit à genoux... Étaient présents à cette entrevue Jean Dunois, Charles d'Anjou, le sire de Chaumont, l'archevêque de Vienne, Jean Rabateau, chez qui Jeanne avait logé à Poitiers en 1429, et Regnault de Chartres, archevêque de Reims. Tous ces hauts dignitaires qui connaissaient bien la Pucelle ne pouvaient se méprendre car ils avaient un passé en commun. Charles VII qui préside un conseil le 24 août et quitte Orléans le 05 septembre doit bien évidemment rencontrer la Dame des Armoises pendant cette période. La réception du 4 septembre a sans doute été l'occasion pour toutes ces personnalités de se retrouver.

Il est à noter que cette entrevue qui tournerait à la confusion de Jeanne des Armoises a été notée par Guillaume Gouffier, seigneur de Bonnivet, et reprise dans une chronique de Pierre Sala. Or ce même Guillaume Gouffier est né en 1488, soit près de 50 ans après la dite entrevue ! Curieux non ? En fait, ce voyage de la Dame des Armoises à Orléans n'est remis en cause par aucun historien.

"Dame Jehanne, Noble Princesse Très Noble et
Puissante Dame Très Noble et excellente Princesse..."

Telles seront les expressions lancées quelques jours plus tard, en présence du roi, qui est revenu le 30 septembre 1439 à Orléans pour les États Généraux, de la reine Marie, de Yolande d'Anjou, et de toute la Cour. En effet, un spectacle devait être donné en plein cœur de la ville par le Gilles de Rais : le Mystère du Siège d'Orléans, où Gilles était glorifié par un rôle spécial.

Les évènements majeurs de la vie de la Pucelle après la scène du bûcher

La réapparition de la Pucelle est donc attestée par de nombreux textes qui constituent ensemble un faisceau de présomptions et de preuves.

Tous ces documents ont permis à de nombreux historiens d'entreprendre des recherches et de nous restituer une histoire complète de la Pucelle en tenant compte des éléments historiques disponibles après la scène du bûcher.

Ces auteurs soutiennent que l'évasion de Jeanne a été organisée et qu'une sorcière qui attendait son exécution a été conduite à sa place au bûcher. La scène de l'exécution qui ne permet pas d'identifier la Pucelle renforce le doute. Cette dernière a été sauvée avec la complicité de nombreuses personnalités dont Cauchon et Bedford.

Le Journal d'un bourgeois de Paris, note qu'on lui donna pénitence : "c'est assavoir quatre ans en prison, au pain et à l'eau, dont elle ne fit aucun jour."

Les historiens modernes complètent les textes anciens : le comte Pierre de Sermoise et le baron Pesme évoquent l'existence du château de Montrottier, en Savoie, où elle aurait été détenue et où se visite encore une chambre dite "prison de la Pucelle".

Jeanne fait sa réapparition près de Metz le 20 mai 1436 sous le nom de Claude, déclarant devant de nombreux seigneurs qui se trouvaient réunis, qu'elle était la "Pucelle de France".

Les frères de Jeanne la reconnurent ainsi que des chevaliers lorrains. Elle se rendit une semaine dans un premier village à Bocquillon (Vaucouleurs d'après le baron de Braux) et trois semaines dans un autre près de Metz, où de nombreux cadeaux lui furent offerts.

Ensuite la Pucelle fit un pèlerinage à Notre Dame de Liesse, demeura plusieurs semaines à Marieulles et s'en alla retrouver sa tante, la duchesse de Luxembourg à Arlon chez qui elle résida cinq mois. La Pucelle prépare son mariage avec le chevalier des Armoises chez la duchesse.

Le mariage de la Pucelle avec le seigneur des Armoises est découvert par le Père Vignier de l'Oratoire dans les archives de la famille des Armoises et inséré dans le Mercure Galant de novembre 1683.

Jehanne et son époux Robert des Armoises…

Lecoy de La Marche précise : "Elle se fit épouser là par un chevalier de noble lignée, messire Robert des Armoises. Je ne sais si, comme le dit M. Vallet de Viriville, elle le séduisit, et je croirais plutôt que cette union singulière eut lieu par la volonté ou l'influence de la maison de Luxembourg car elle ne fut pas heureuse. On conserva longtemps dans la famille des Armoises le contrat de mariage des deux époux, qui servait encore au XVIIe siècle à étayer des preuves de noblesse et de chevalerie, et qui perpétua jusque-là, ou même plus tard, en Lorraine, l'opinion que Jeanne d'Arc avait laissé une postérité directe."

Ce contrat a été compulsé par des témoins non contestables tels le professeur Albert Bayet de l'École des Hautes Études, le président Édouard Herriot et le comte de Labessières.

"Dès lors, notre aventurière prit le nom de Jeanne des Armoises, qui lui est donné par tous les contemporains. Elle se fixa pour un temps à Metz, dans l'hôtel de son mari, situé devant l'église de Sainte-Ségoleine, et, non contente de la position brillante que ses intrigues lui avaient si rapidement value, se mit à dresser de là de nouvelles batteries".

L'union matrimoniale de Jeanne est attestée également par l'acte de vente du 06 novembre 1436 du quart de la seigneurie de Haraucourt à Colart de Failly, écuyer, demeurant à Mareville et à Poinsette sa femme, par Robert des Armoises, chevalier, Seigneur de Tichemont, et sa femme Jehanne du Lys, La Pucelle de France, qualifiée en la circonstance de "Ma Femme"...".

La Chronique du Doyen de Saint-Thibaut signale également un voyage à Cologne chez le comte de Wirnembourg qui lui offrit une belle cuirasse. Aux archives de cette ville, on trouve une brève note selon laquelle une escorte aurait été accordée à la Pucelle.

La Pucelle se déplace ensuite de 1437 à 1439 pour de nouvelles campagnes dans le Sud-ouest et c'est ainsi que dans la chronique d'Alvaro de Luna, connétable des royaumes de Castille et de Leon, on trouve au chapitre 46 un titre qui ne laisse pas d'intriguer :
"Comment la Pucelle qui était à La Rochelle envoya demander secours au roi d'Espagne et ce que le connétable fit pour elle".

Florence Maquet clôt alors son étude sur la liste de ceux, à ce jour connus, qui virent et reconnurent Jeanne après le bûcher de Rouen. Vingt-quatre noms de personnalités importantes parmi lesquels celui de sa mère, ceux de ses frères, de ses compagnons d'arme, celui de la duchesse d'Anjou, du roi lui-même...

André Cherpillod complète cette précédente liste et donne une évaluation réaliste quant au nombre de personnes qui ont côtoyé la Dame des Armoises :
"Ils sont des centaines à reconnaître la Pucelle".

Les travaux des historiens sur les fausses pucelles

Les éléments historiques lorrains et orléanais, établissant le retour de Jeanne sont concordants et ne sont contestables à l'aide d'aucune pièce ou preuve, mais seulement au moyen d'hypothèses basées sur des interprétations... On peut en déduire que l'histoire officielle ne nous donne pas une réponse pertinente en affirmant haut et fort que la Dame des Armoises est une fausse Pucelle ainsi d'ailleurs que toutes les autres.

Un certain nombre d'auteurs s'emparent donc du problème. Quicherat, Vallet de Viriville et Lecoy de la Marche ne distinguent qu'une fausse Jeanne d'Arc tandis que Polluche et Vergnaud-Romagnesi en signalent trois. Pour Polluche, la deuxième partie de la vie de la Dame des Armoises s'appliquerait à une autre fausse Jeanne d'Arc dite la fausse Pucelle du Mans ou de Sermoises ou Sermaizes.

Les confusions sont nombreuses, comme on peut le voir, et les historiens ne sont pas tous en accord sur le sujet. Nous en arrivons néanmoins à une certaine unité de vue chez des historiens contestataires de la version légendaire en ce qui concerne ces fausses pucelles. Les récits exceptionnels des pucelles dites de La Rochelle et de Cologne seront examinés avec attention. Le cas de la Dame des Armoises reste entier car cette (fausse) pucelle n'a pas été démasquée !

Il convient d'énumérer les différents signalements concernant lesdites fausses Pucelle pour poursuivre nos investigations. Nous verrons à cette occasion que la Dame des Armoises ne peut être confondue avec certaines de ces aventurières :

- La Pucelle de Sala nous est connue par un passage d'un ouvrage intitulé
"Prouesses de plusieurs rois dédiées au Roi François 1er par Sala". Ce livre faisant référence à une Pucelle, qui a été imprimé en 1515 soit près de soixante quinze ans après la visite de Jehanne des Armoises à Orléans, ne fait aucune mention d'un séjour à Orléans de cette femme et ne date pas l'évènement. Les coupables de cette machination furent sanctionnés "très âprement" ce qui n'a jamais été le cas pour la Dame des Armoises et pour ses frères accompagnateurs. L'épisode de la Dame des Armoises raconté en 1516 par Pierre Sala, accepté par Hanotaux et d'autres, n'a pas été pris en considération par Anatole France dans sa vie de Jeanne d'Arc: "Je n'ai pas fait usage du témoignage très tardif de Pierre Sala, très vague, un peu fabuleux et qui ne peut s'agencer dans la vie de la Dame des Armoises". L'abbé Ambroise Ledru en rajoute en spécifiant que: "Ce verdict de l'historien d'occasion qu'est France doit être fermement accepté" et constate que les textes de la Chronique du Bourgeois de Paris et de Sala sont contradictoires, absolument faux et ne peuvent s'agencer dans ce que nous savons de la Dame des Armoises.

L'Abbé Ambroise Ledru remarque que
"L'histoire du Bourgeois de Paris anéantit celle de Sala. C'est un dilemme auquel on ne peut échapper qu'en mettant les deux récits sur un même pied. L'un et l'autre sont absolument faux et ne peuvent s'agencer dans ce que nous savons de la Dame des Armoises" et de renchérir "Ce qu'il y a de stupéfiant dans le Bourgeois et dans Sala, c'est que Jeanne des Armoises n'encourut aucune peine, on la laissait aller guerroyer tranquillement".

- La Pucelle de Paris signalée par le Bourgeois de Paris qui inscrit dans sa Chronique : "l'Université et le Parlement la firent venir à Paris, bon gré mal gré et fut montrée au peuple au Palais sur la pierre de marbre, en la grand' cour et là fut prêchée". Cette femme reconnut qu'elle était mariée et mère de deux enfants et déclara qu'elle devait aller à Rome pour demander au Pape de l'absoudre de "main prise sur père, mère, prêtre ou clerc". Les auteurs qui soutiennent la légende se sont fourvoyés parce que le Bourgeois de Paris a précisé que cette femme avait été mariée à un chevalier sans plus de renseignements. La personnalité de cette Pucelle ne correspond pas du tout au caractère de la Dame des Armoises puisque c'est une personne violente avec ses parents et avec des prêtres... L'aveu de sa supercherie ne lui paraît que plus probant en affirmant son mariage, ce qui prouve qu'elle ne sait pas que la Pucelle s'est présentée à Orléans sous le nom d'une femme mariée, la Dames des Armoises.

- La Pucelle du Poitou que nous connaissons par une lettre de rémission que Charles VII accorda en décembre 1441 à Jean de Siquemville, détenu par les troupes royales suite à divers brigandages. Cette lettre fait référence à la mission confiée à Siquemville par Gilles de Rais en ces termes :
"Qu'il voulait qu'il prit en charge et gouvernement des gens de guerre que avoit alors une appelée Jehanne qui se disoit Pucelle". Le document daté de juin 1441 relate des évènements datant de deux ans ou environ. Nous savons que le 18 juillet 1439, la Dame des Armoises est à Orléans. Compte tenu de l'imprécision de la date de ces évènements, il n'est donc pas impossible que nous soyons en présence ici de la Dame des Armoises.

- La Pucelle d'Anjou est distinguée par une lettre de rémission délivrée par la Chancellerie du roi René d'Anjou à une certaine Jeanne de Sermaize, femme de Jean Douillet. Cette femme a été emprisonnée sous l'inculpation de s'être "Fait appelée par longtemps Jehanne la Pucelle, en abusant et faisant abuser plusieurs personnes qui autrefois avaient vu la Pucelle qui fut à lever le siège d'Orléans". Pas de confusion possible avec la Dame des Armoises.

- La Pucelle de Sermaize est celle dont parle Hanotaux qui remarque que de Sermaize ou des Armoises présentent une analogie et à sa suite de nombreux auteurs qui prétendent ainsi reconnaître la Dame des Armoises dans ce personnage. Il n'y a aucun rapport en fait entre Sermaize et les différentes orthographes de la famille des Armoises. Cette fausse pucelle se présenta dans une localité de Champagne portant le nom de Sermaize en 1449. Dans cette affaire, nous avons un témoin en la personne du curé de la localité Simon Fauchard qui affirme en 1476 devant les notaires de Vitry que cette pucelle est venue à Sermaize en 1452 et non en 1449. Nous sommes en fait en présence de la fausse pucelle d'Anjou qui a fait l'objet de la lettre de rémission du Roi René mentionnant que cette dernière
"avait abusé plusieurs personnes qui autrefois avaient vu la Pucelle" et pour cela s'était rendu en Champagne.

- La Pucelle du Mans a fait l'objet d'un jugement de condamnation comme sorcière et "archipaillarde" mentionnant son année de naissance en 1442. Cette dernière qui a été identifiée par Vallet de Viriville s'appelait Jeanne la Férone et ne peut donc être confondue avec la Dame des Armoises.

- La Pucelle de La Rochelle dont l'histoire s'appuie sur plusieurs documents dont la lettre de rémission royale de juin 1441 déjà évoquée, au profit de Jean de Siquemville, qui était accusé de pillage en Anjou et en Poitou. Charles VII nous apprend dans sa lettre que Gilles de Rais voulait que son second Siquemville
"prit la charge et gouvernement des gens de guerre qu'avait alors une appelée Jehanne qui se disait Pucelle, en promettant que, s'il prenait Le Mans, il en serait capitaine"... Nous notons que Vallet de Viriville et Quicherat ont admis qu'il était question dans ce texte de Jeanne des Armoises. Save s'exprime également sur le sujet en émettant la même opinion.

Dans cette affaire, cette Pucelle transmet son commandement exercé du début de 1437 jusqu'au milieu de l'année 1439 à Siquemville, commandement qui s'est sans doute exercé contre les écorcheurs et les Anglais, autour de certaines places fortes dont La Rochelle.

Etienne Weill-Raynal nous donne son sentiment sur la Chronique de Lorraine trop tardive pour lui car datant de Charles VIII. Ce document fait état des opérations de guerre de la Pucelle devant Bordeaux et Bayonne.

L'affaire de La Rochelle nous est rapportée par deux chroniques, à savoir, la première du Connétable don Alvaro de Luna, qui contient un chapitre 46 ainsi intitulé :
"Comment la Pucelle, étant sous La Rochelle, envoya demandé secours au roi (donc Juan II de Castille) et de ce que le Connétable fit pour elle". (Traduction française de Théodore de Puymaigre - La chronique espagnole de la Pucelle d'Orléans), la seconde chronique, La Historia de la Poncella d'Orléans.

Le même récit est reproduit dans les deux textes anciens à notre disposition, sauf que la Chronique du Connétable fait état d'autres faits de guerre présentés comme des victoires de la Castille.

La Chronique du Connétable indique :
"La Pucelle de France étant devant La Rochelle, il se passa un fait de grande importance. Elle écrivit au roi de Castille et lui envoya ses ambassadeurs, outre ceux que, pour sa part, avait envoyés le roi de France, le suppliant fort de lui envoyer quelques navires de l'Armada, ainsi que Sa Seigneurie était tenu de la faire, conformément à l'alliance et fraternité qu'il y avait entre Sa Seigneurie et le roi de France. Et, arrivés à Valladolid, où le roi se trouvait dans cette dite année de mil quatre cent trente-six, on leur fit grand accueil, grande fête et honneur. Et quand ils eurent remis au roi la lettre qu'ils apportaient de la Pucelle, le Connétable en montrait par la cour aux grands la signature, comme si ce fût une relique très vénérable. Car, comme il était courageux et vaillant en grande manière, il aimait ceux qui l'étaient aussi, et c'est pourquoi il était très attaché aux faits de la Pucelle. Et à cause de cela, le Connétable, qui, d'accord avec le roi son seigneur et sur son ordre gouvernait, gouvernait le royaume de Castille, insista beaucoup et décida avec le roi d'envoyer à la Pucelle une flotte telle qu'elle pût bien secourir le roi de France, puisque cela convenait à son service. Le roi eut aussitôt en gré que le Connétable fît comme il lui semblerait le mieux. Et incontinent, le Connétable envoya des ordres à la côte de la mer, en Biscaye, en Lepusca et autres lieux, et fit armer vingt cinq vaisseaux et quinze caravelles, les plus grands qu'on put trouver, garnis d'armes et des meilleures gens qu'on put avoir. Et avec cette réponse, les ambassadeurs s'en allèrent de la cour du roi contents et joyeux. Avec ce secours, la Pucelle prit ladite ville, et il y eut d'autres combats et victoires, où la flotte de Castille gagna dans ce pays beaucoup d'honneur ..."

Quicherat nous signale dans sont tome V page 329 n.1 que "L'auteur espagnol se trompe peut-être sur le nom de la ville, car quoiqu'il existe une grande lacune dans l'histoire de La Rochelle, surtout depuis le milieu de l'année 1436 jusqu'en 1453, il n'y a pas d'apparence que, dans cet intervalle, Charles VII ait perdu ce port, le seul qui lui restât. Ce qui est certain, c'est qu'au mois de juin 1436, Marguerite d'Écosse, amenée en France pour épouser le Dauphin débarqua au port de La Rochelle, et que le navire qui l'amenait, poursuivi par une flottille anglaise, ne dut son salut qu'à des auxiliaires espagnols, venus à temps pour fermer aux ennemis l'entrée de la rade. Ce secours aura été confondu par le chroniqueur avec d'autres envoyés plus tard, à la requête de la fausse Pucelle ; car celle-ci fit pour sûr la guerre dans le Poitou"…

Jeanne, d'après la Chronique du Bourgeois de Paris, était donc allée à Rome après 1436 et avant 1439. Ce dernier fait est en contradiction avec la Chronique espagnole du Connétable de Castille Dom Alvaro de Luna.

Cette affaire nous laisse à penser que la fausse Pucelle dont il est question ici s'apparente sans doute à la Dame des Armoises. Etienne Weill-Raynal considère que les ambassadeurs de la Pucelle de France venant appuyer ceux du roi de France auprès du roi de Castille, pour demander l'application de l'alliance,
"permettrait de penser que la Pucelle de France a été utilisée par le gouvernement royal".

Nous nous en tiendrons pour ce qui est de cette pucelle aux considérations de Weill-Raynal qui nous semblent très vraisemblables.

- La Pucelle de Cologne fait l'objet de récits historiques de la part du doyen de Saint-Thibaut ainsi que du dominicain Jean Nider (voir la traduction de Quicherat tome V page 324 - 325). Deux historiens modernes, Ambroise Ledru et Alain Atten qui ont produit les résultats de leurs recherches sont référencés dans notre bibliographie.

Le livre "Une fausse Jeanne d'Arc" de Lecoy de la Marche a également été publié en 1871. Cet auteur écrit :
"Elle se vantait bien haut d'être la Pucelle ressuscitée, et prétendait introniser sur le siège archiépiscopal de Trêves un des deux prétendants qui se le disputaient, comme elle avait précédemment assis sur le trône de France le roi légitime. A son arrivée dans la ville de Cologne, avec le comte de Wurtemberg (Virnembourg), elle trouve le moyen d'opérer des prodiges : on répète partout qu'elle a déchiré en deux une pièce d'étoffe, et l'a remise aussitôt dans l'état primitif, qu'elle a brisé une vitre contre la muraille et l'a réparée instantanément. Kalt-Eysen survient et remplit immédiatement son office : il ouvre une enquête, il cite la magicienne à son tribunal. Mais celle-ci refuse de se soumettre aux ordres de l'Église. Elle est excommuniée et va être jetée en prison, lorsque le comte, son protecteur, l'enlève à temps et la ramène à Arlon".

Il convient de dire quelques mots de la situation géopolitique de l'époque. Les traités de Malines, de Bruxelles et de La Hayes rendent Philippe de Bourgogne maître du Luxembourg et Virnembourg est nommé Sénéchal de cet état. Le duc Philippe compte contrôler l'archevêché voisin mais la fermeté impériale à l'égard du Bourguignon est la plus forte. Le duc de Bourgogne se trouve banni.

Wirnembourg voulait employer des moyens charismatiques en pratiquant la thaumaturgie à sa façon et Jeanne aurait donc été l'instrument ingénu des schismatiques Trévirois. Pour Alain Atten, Nider nous livre la clé de l'énigme rhénane, à savoir le motif du voyage confirmé par trois sauf-conduits. Le récit de la Pucelle de Cologne nous donne l'occasion de formaliser une synthèse sur l'étude des principaux textes qui concernent la Dame des Armoises :

L'Abbé Ambroise Ledru qui s'est investi dans l'étude du personnage de la Dame des Armoises, ce qui est un acte courageux compte tenu de ses fonctions ecclésiastiques, apporte des éléments intéressants à partir de jugements sévères mais circonstanciés sur certains rédacteurs de chroniques ou écrivains. Il est vrai que la connaissance des ces auteurs nous permet de mieux comprendre les informations qu'ils transmettent.

L'Abbé publie une brochure de 70 pages après son article paru dans la Revue de la Société Historique de la Province du Maine (XVII page 271 à 282) pour répondre à un compte-rendu de la Société Archéologique de l'Orléanais du 13 février 1931 qui apportait une critique à son article. Ce texte qui est pour partie consacré aux détracteurs de la Dame des Armoises est très significatif car il met en contradiction quelques éléments historiques.

L'Abbé estime que G. Lefèvre-Pontalis n'apporte rien au sujet et s'est fourvoyé comme Lecoy de la Marche et tous les auteurs qui ont suivi ce dernier, à savoir : Quicherat, Wallon, Vallet de Viriville, Dunant, Hanotaux, Anatole France, Monseigneur Touchet.

Ledru estime que la Dame des Armoises a été calomniée pour mieux l'opposer à la Sainte et s'en prend au dominicain Nider, au Bourgeois de Paris et à Pierre Sala qu'il désigne comme les principaux calomniateurs de la Pucelle. Cette remarque est pertinente et s'explique par les options politiques prises par les auteurs cités par Ambroise Ledru. À l'époque de l'écriture de ces textes, la Pucelle n'était pas sainte mais représentait des intérêts qui n'étaient pas ceux des commentateurs.

L'Abbé Ambroise Ledru critique le Dominicain alsacien Jean Nider, prieur des Dominicains de Bâle, soi-disant porte-parole d'Henri Kaltyser ou Kalt-Eysen, Inquisiteur de la foi qui a écrit La Fourmilière:
"Formicarium, seu Dialogus ad vitam christianam exemplo conditionum formicae incitavivus". Nider est docteur en théologie de l'Université de Vienne et ennemi de Charles VII.

Nider, grand brûleur de sorcières, était une des fortes têtes du concile de Bâle, dont il se sépara cependant, après avoir été l'un des chefs spirituels de la croisade qui mit la Bohême à feu et à sang, qui brûla les villes et les villages, dévasta les campagnes et extermina par milliers les Taboristes appartenant à la secte des Hussites.

Pour notre abbé, le Formicarium, qui est l'un des textes fondateurs de la démonologie de la Renaissance, est un
"ramassis de tous les comptes, de toutes les opinions ridicules sur les revenants, les fantômes, les incubes et les succubes, la divination, les sacrilèges, les exorcismes, les diables et leurs malices, rapportées par les Anciens et les contemporains".

Jean Nider avoue lui-même ingénument que tout ce qu'il a dit des sorciers et des magiciens dans le cinquième et dernier livre de son ouvrage, il l'avait appris d'un juge de Berne et d'un moine bénédictin qui, avant sa conversion, avait été sorcier, très habile baladin et escamoteur. Il n'est pas surprenant de voir Nider rapporter sérieusement la fable de Kaltyser, si tant est que celui-ci l'ait vraiment racontée à son frère en religion. N'oublions pas que Jean Nider était mal disposé pour la vraie Jeanne d'Arc dont il a parlé d'une manière désobligeante.

Le second détracteur de Jeanne est le Bourgeois de Paris, un anonyme dont l'Abbé décèle dans la manière d'écrire l'habitude des assemblées populaires.
"Comme homme politique, sa persistance dans ses opinions n'est pas moins significative. Attaché au parti qui fut vaincu en 1414, c'est-à-dire à celui des bouchers de Paris ou Cabochiens qui avaient patronné l'évêque Cauchon, il déteste tous les régimes en vigueur depuis les bouchers, quoique les Anglais lui soient moins odieux que les Armagnacs. Le témoignage de cet individu est hostile à Jeanne d'Arc, le plus hostile qui nous soit resté du 15ème siècle".

Jeanne, d'après la Chronique du Bourgeois de Paris, était donc allée à Rome après 1436 et avant 1439. Ce dernier fait est en contradiction avec la Chronique espagnole du Connétable de Castille Dom Alvaro de Luna.

Une remarque générale s'impose : Les écrits de Nider, du Bourgeois de Paris et de Sala sont incompatibles avec l'auteur espagnol inconnu de la vie d'Alvaro de Luna. L'auteur espagnol est sans doute plus rigoureux car il n'a pas d'animosité contre la Pucelle. Nous avons un ensemble de faits qui ne sont pas indépendants de la vie politique et sociale de l'époque ce qui nous oblige à les considérer avec attention.

Quand Jeanne est chez la duchesse de Luxembourg, les échanges de lettres entre Jeanne, les bourgeois d'Orléans et le roi Charles VII, qui avaient sans doute pour objet, entre autres affaires, son mariage avec le chevalier Robert des Armoises qu'elle avait rencontré à la cour de la duchesse, peuvent-ils être attribués à une autre que Jeanne la Pucelle ?

Pour compléter les éléments que nous avons sur la Dame des Armoises dans l'affaire rhénane il faut tenir compte des chevauchées de Jean d'Arc, de Loches et d'Orléans et nous constatons que tout cela se passe dans la zone diplomatique sinon sous le contrôle du duc Philippe. Le registre aux Messagerie de la Chambre des Comptes de Lille retient trois courriers significatifs, deux vers Virnembourg et un vers Cologne.

Alain Atten soutient que
"Philippe le Bon a tout su et rien ne prête à croire qu'il n'a pas tout dirigé. Mais quel avantage aurait espéré le Bourguignon avant cette poussée malencontreuse vers Cologne, gâtée par l'exorcisme dominicain ? La Pucelle anglophage pour son siège de Calais ? - Une pucelle choisie par Virnembourg ne parlerait guère le lorrain, ne troublerait point les patriciens de Metz, ne mobiliserait ni les d'Arc, ni Baudricourt, ignorerait tout de Chinon et d'Orléans, tout comme une Pucelle lancée par Charles VII ne se terrerait pas à Arlon, ne perdrait pas son temps à Cologne, n'échouerait point à Metz avec son chevalier. Un coup bourguignon, mais à l'instrument aussi têtu qu'ingénu, qui à travers les malheureuses entreprises de ses protecteurs, garde ses idées fixes, sa prédilection pour la Loire. L'épisode mosano-rhénan de la Dame des Armoises est inconcevable sans Jeanne elle-même".

La Dame des Armoises, qui n'a jamais été démasquée comme les autres fausses pucelles, est vraisemblablement notre héroïne et il nous faut, en conséquence, continuer l'histoire de la Pucelle après la scène du bûcher.

La fin de la glorieuse épopée de Jeanne d'Arc et de la Dame des Armoises

Le trésorier d'Orléans inscrivit dans ses registres à propos des dépenses accomplies pour Isae Romée, la mère officielle de Jehanne, que la ville avait pris en charge : "A Isabeau, mère de Jehanne la Pucelle, pour don fait à elle"... Et cette même phrase se répète de 1439 à 1446. Mais à partir de cette date, au mois de septembre, on enregistre la modification suivante : "A Isabeau, mère de feue Jehanne la Pucelle"...

La survivance de Jeanne est également confirmée par un acte de donation rendu à la Chambre des Comptes par Maître Robin Gaffard le 29 juillet 1443, disponible au Trésor du domaine d'Orléans et transcrit dans les Recherches de la France de Pasquier, livre VI et chapitre V. Le duc d'Orléans transfère à Pierre du Lys la jouissance gratuite à titre héréditaire de l'Isle aux Bœufs sur la Loire. Cette donation indique que Pierre du Lys, qui se mit au service du roi "nostre dit Seigneur et de Monsieur le Duc d'Orléans, en la compagnie de Jehanne la Pucelle, sa sœur, avec laquelle, jusques à son absentement et depuis jusques à présent il a exposé son corps et ses biens audit service"... Pierre accompagnait donc ainsi la Pucelle jusqu'à la date de cet acte.

Quant à la
"mère de Jeanne, Isae de Vouthon", elle vint vivre à Orléans depuis le décès de son mari jusqu'en 1460. Elle ne reniera jamais la Dame des Armoises...

Où a-t-elle été enterrée ?

D'abord à Pulligny-sur-Madon au sud de Nancy. En 2001, un savant ukrainien, Serguei Gorbenko, a soutenu avoir découvert les restes de Jeanne à Cléry-Saint-André, près d'Orléans. Les restes sans doute déménagés par des émissaires du Vatican pendant la canonisation de Jeanne. Louis XI, son neveu, Dunois son frère et compagnon d'armes y reposent aussi.

Pourquoi la Dame des Armoises ne sera pas rapidement reconnue ?

Les écrivains contestataires se heurtent à la raison d'état de la République qui tient à préserver la situation actuelle, compte tenu des circonstances de la canonisation et pour assurer la paix sociale en ne ravivant pas les vieilles querelles entre cléricaux et laïques. Certains n'oublient pas les 30 millions de francs or versés au Vatican par le gouvernement à l'époque de la canonisation... Un rapide calcul nous apprend que les 30 Millions de francs or perçus par le Vatican représentent un poids d'or de 8.700 Kg, ce qui au cours du métal précieux d'aujourd'hui nous donne une somme aux alentours de 350 Millions d'Euros...

Pour l'Église, il nous faut comprendre que Jeanne ne peut être une fille adultérine, c'est-à-dire la fille du pêché et c'est ainsi que Monseigneur Le Nordez, auteur d'un livre sur Jeanne, est sommé de se taire et que des menaces d'excommunication sont proférées à l'encontre de l'Abbé Ambroise Ledru. Des menaces ont été aussi proférées à l'encontre d'auteurs contestataires comme Grimod par exemple.

Des auteurs modernes en rajoutent en souhaitant qu'une loi interdise le débat historique sur le sujet comme cela a été le cas avec les révisionnistes qui se sont vu opposer la loi Fabius-Gayssot.

Des professeurs et historiens contestataires répliquent en souhaitant la mise en œuvre d'une pétition nationale pour la reconnaissance officielle du débat sur l'histoire de la Pucelle et pour l'ouverture des archives ecclésiastiques et pontificales et la communication publique des pièces par l'État, les diocèses et le Vatican. Ces derniers procèdent également à l'étude des phénomènes sociologiques et universitaires qui produisent une histoire légendaire. L'étude des subventions, des circuits économiques et des filières d'éditions qui conduisent à une histoire à sens unique est une préoccupation de tous les intervenants, de tous les amateurs d'histoire et de tous les citoyens.

Étude de Thévenin sur www.jeannedomremy.fr


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