08 - Ashéra, épouse d’El, Mère de Yahvé…

Le fossé culturel et religieux entre les Cananéens et les Israélites était bien moins grand que les spécialistes de la Bible le pensaient jadis car la religion israélite était un sous-ensemble de la religion cananéenne.

Les documents et des artéfacts extra-bibliques dégagés du sol du Proche-Orient ont été d’une grande aide aux savants pour comprendre cela puisqu’ils n’avaient alors que la Bible à étudier. La situation a changé de manière spectaculaire dès 1929 avec la découverte des textes de Ras Shamra, en Syrie. Ils ont révolutionné la compréhension de la religion cananéenne en général, et de la religion hébraïque ancienne en particulier.

Le Dieu El était le patriarche du panthéon cananéen et l’un de ses titres était El Olam. Le sens originel de El était le Seigneur de l’Éternité. Cependant, dès le 14ème siècle avant Jésus Christ, le culte d’El déclina, laissant la place à un jeune dieu d’aspect très viril, le dieu Ba’l-Haddou, le Baal de l’Ancien Testament.

El était probablement aussi le Dieu originel d’Israël. Dans la conception israélite la plus ancienne, El, le père, avait un fils divin appelé Yahweh. Cependant, la conception israélite de Yahweh allait graduellement absorber les fonctions d’El et dès le 10e siècle avant Jésus Christ, à l’époque du roi Salomon, Yahweh était identifié à lui.

Ashéra était la Déesse principale des Cananéens. Elle était l’épouse d’El et la Mère et la nourrice des autres dieux. C’est ainsi que les dieux d’Ugarit pouvaient être appelés les fils d’El ou les fils d’Ashéra. De plus, Ashéra était liée à la naissance des souverains cananéens et pouvait être aussi considérée métaphoriquement comme leur mère.

Elle avait des liens étroits avec la ville cananéenne côtière de Sidon ? Un des deux ports par lesquels Israël faisait un commerce extrêmement actif avec l’Égypte et l’Ouest.

En outre, il semble que les Hébreux aient, eux aussi, connu et vénéré Ashéra. Certains Israélites l’adorèrent pendant une période allant de la conquête de Canaan au deuxième millénaire avant le Christ jusqu’à la chute de Jérusalem en 586 avant Jésus Christ. Par exemple, les femmes israélites d’autrefois étaient parfois enterrées portant une "perruque d’Ashéra".

De plus, on a trouvé, dans les sites israélites, des milliers de figurines de Déesses fabriquées en grandes quantités. La plupart montre la silhouette féminine nue, avec des seins exagérés et on la représente parfois enceinte ou donnant le sein à un enfant.

Mais il y a une différence importante entre les figurines provenant des sites israélites et celles découvertes dans les sites cananéens païens : La partie inférieure du corps des figurines israélites est typiquement une simple colonne. Alors que les objets cananéens païens représentent une Déesse fortement sexualisée par l’enfantement et de l’amour érotique.

Ashéra semble avoir été populaire dans toutes les couches de la société israélite pendant de nombreuses années. Elle était adorée en Israël à l’époque des Juges. Elle était particulièrement vénérée à la campagne, mais elle fut également importante dans les villes hébraïques postérieures. Le roi Salomon introduisit Ashéra à Jérusalem un peu après 1000 avant Jésus Christ et un centre imposant du culte d’Ashéra a sans doute fonctionné à Ta’anakh sous le patronage indirect de la cour de Salomon.

Après la séparation des royaumes d’Israël et de Juda, le roi Achab et sa reine d’origine phénicienne, Jézabel, fille d’Ethbaal, roi des Sidoniens, installèrent Ashéra en Samarie, où, vers 800 avant l’ère vulgaire, le culte officiel de Yahweh comprenait encore celui de son épouse Ashéra. Elle semble y avoir été adorée jusqu’à la chute d’Israël devant les Assyriens en 721 avant Jésus Christ.

Le roi Manassé réinstalla Ashéra dans le temple de Jérusalem où elle resta jusqu’aux réformes du roi Josias, qui régna de 639 à 609 avant Jésus Christ environ. Ashéra était encore à ce point visible au cours de cette période précédant immédiatement la captivité babylonienne, que le prophète Jérémie, se sentit obligé de dénoncer son culte. En d’autres termes, une statue ou un symbole d’Ashéra se dressa dans le temple de Salomon à Jérusalem pendant près des deux-tiers de son existence.

El = Dieu le Père… Elat = La Déesse-Mère

Son titre Elat, voulant dire Déesse, il en existe encore aujourd’hui des traces dans le nom d’une grande station balnéaire côtière israélienne et dans le nom israélien du golfe d’Akaba ou golfe d’Eilat.

Mais après l’exil babylonien d’Israël et son retour sous Esdras, l’opposition à Ashéra devint universelle dans le judaïsme. En effet, la conception de Yahweh qui se développait chez les Israélites semble, dans une certaine mesure, avoir absorbé ses fonctions et ses épithètes, tout comme elle avait précédemment absorbé celles d’El, le père de Yahweh. C’est ainsi qu’Ashéra fut fondamentalement éliminée de l’histoire d’Israël et du judaïsme postérieur.

Dans le texte de la Bible, filtré et refaçonné comme il semble l’avoir été par les prêtres deutéronomistes réformateurs vers 600 avant Jésus Christ, il reste des indices de la Déesse, mais il y a peu de choses qui survivent qui soient susceptibles de donner une compréhension détaillée de sa personnalité ou de sa nature.

Que peut-on penser d’Ashéra ?

L’opposition à sa vénération exprimée et imposée par les deutéronomistes et les rois israélites réformateurs indique qu’elle était une corruption d’origine étrangère à la religion hébraïque légitime. C’est pour cette raison qu’Ézéchias enleva à la fois l’Ashéra et le Nehuschtan du temple de Jérusalem. Le Nehuschtan n’était pourtant pas une intrusion païenne puisque c’était le Serpent d’airain que Moïse aurait fait et que les Israélites auraient soigneusement conservé pendant près d’un millénaire jusqu’à ce qu’Ézéchias, heurté par le culte idolâtre des enfants d’Israël, l’ôta et le détruisit. Le Nehuschtan avait un passé illustre entièrement intérieur au monde religieux d’Israël et il en était de même pour l’Ashéra.

Ce qui frappe dans la longue histoire de l’Ashéra d’Israël, c’est l’identité de ceux qui ne s’opposaient pas à elle. Aucun prophète ne semble l’avoir dénoncée avant le huitième siècle avant Jésus-Christ. Les grands prophètes yahvistes Amos et Osée, pourtant très véhéments dans leur dénonciation de Baal, ne semblent pas avoir dénoncé Ashéra pas plus que l’école de réformateurs yahvistes d’Élie-Élisée.

Qu’est-il arrivé à Ashéra et à ses prophètes ?

Au cours des années suivantes, la campagne impitoyable contre Baal inspirée par Élie et Élisée et menée par Jéhu ne toucha pas l’Ashéra de Samarie qui resta debout. La plupart des savants considèrent le Deutéronome comme associé aux réformes du roi judéen Josias au septième siècle avant Jésus Christ et certains croient qu’il a été en fait écrit à cette époque.

Parlant des figurines de Déesses courantes déjà mentionnées, il a été trouvé une cache d’un lieu de culte du 7e siècle avant Jésus Christ, qui en contenait plus de trois cent cinquante, dans une grotte à Jérusalem à moins de cent mètres de la montagne du temple.

Quel était le rôle d’Ashéra dans les croyances religieuses de l’ancien Israël ?

Ashéra a été l’épouse ou la parèdre d’El, mais absolument pas de Yahweh, même à une époque reculée de la religion israélite. Mais au cours des générations, Yahweh absorba les attributs de son père El, et l’imagination populaire lui accorda aussi sa femme et son épouse. Peu à peu, Yahweh a remplacé El. Sous l’influence cananéenne et avec tous ses emblèmes matériels la représentant, Ashéra a finit par remplir les fonctions d’épouse de Yahweh.

Le culte d’Ashéra en tant qu’épouse de Yahweh, fit partie intégrante de la vie religieuse de l’ancien Israël avant les réformes introduites par le roi Josias en 621 avant l’ère vulgaire. Ce culte était profondément enraciné en Israël et en Judée à l’époque préexilique. De plus, comme chez les Cananéens, Ashéra était aussi associée à la fertilité et à la naissance humaines.

Une incantation hébraïque découverte à Arslan Tash, en haute Syrie, datant du 7e siècle avant Jésus Christ, semble demander l’aide de la Déesse Ashéra pour une femme occupée à accoucher.

Qu’était l’Ashéra qui se trouvait dans le temple de Jérusalem et à Samarie ?

Ashéra était associée aux arbres. Un support servant au culte provenant de Ta’anakh, près de Megiddo, porte deux représentations d’Ashéra, d’abord sous forme humaine, puis sous la forme d’un arbre sacré.

Elle est l’Arbre...

Il est nécessaire de repenser aux figurines des Déesses israélites dont la partie supérieure de leur corps est incontestablement anthropomorphique et particulièrement féminine, mais dont la partie inférieure, contrairement à celle de leurs homologues cananéennes, est une simple colonne.

Or cette partie inférieure du corps en forme de colonne peut représenter un tronc d’arbre. Ashéra est une Déesse des arbres et comme telle, Elle est associée au chêne, au tamaris, au palmier-dattier, au sycomore et à beaucoup d’autres espèces.

Cette association a amené à l’identifier aux arbres sacrés ou à l’Arbre de Vie. Les auteurs rabbiniques de la Mishna juive (2ème et 3ème siècles avant Jésus Christ) expliquaient l’Ashéra comme étant un Arbre que l’on adorait.

L’ashéra, sans majuscule, était un objet qui la représentait, objet taillé dans un morceau de bois et ce, d’une manière souvent assez austère. Malheureusement, parce qu’elles étaient en bois, aucun exemplaire archéologique direct n’a survécu. Pourtant, la Bible de Jérusalem emploie l’expression "Pieu Sacré".

Ashéra était à la fois une Déesse et un symbole religieux.
Elle était l’Arbre de Vie...

Ashéra dans sa nature biblique de Sagesse :

Les spécialistes de la Bible reconnaissent un type d’écrits, que l’on trouve dans les ouvrages canoniques standard et qu’ils appellent "Littérature de la Sagesse". Ce qui est commun à ce genre de littérature, c’est l’absence de thèmes typiquement israélites ou juifs. On n’y trouve rien sur les promesses faites aux patriarches, l’histoire de Moïse et l’Exode, l’alliance au Sinaï ou la promesse divine que la royauté appartiendrait à David.

La Bible, quant à elle, présente deux sources terrestres principales de Sagesse censée venir de l’Orient et de l’Égypte. Enfin, le livre de Job se déroule en Orient et on n’y trouve, non plus, aucune trace d’usages de thèmes spécifiquement israélites ou hébraïques. Personne n’a osé les modifier car ces livres de la Sagesse, qu’ils soient canoniques ou extra-canoniques, perdraient leurs valeurs si le sens d’un seul mot en était modifié.

Parmi ces belles phrases :

La Sagesse et la justice apportent la prospérité alors que la sottise ou la méchanceté conduisent à la souffrance et à la destruction.

La Sagesse, elle-même, est représentée comme étant une Entité de sexe féminin. En effet, ici et ailleurs dans la littérature hébraïque et juive anciennes, la Sagesse apparaît comme appartenant à la Femme de Dieu, Ashéra.

Ashéra est la Sagesse, la première Création de Dieu...

Divers aspects d'Ashéra, La Déesse Mère encore vénérée par des femmes autant juives que palestiniennes...

L'Éternel m'a créée la première de ses œuvres,
Avant ses œuvres les plus anciennes.

J'ai été établie depuis l'éternité,
Dès le commencement, avant l'origine de la terre.

Je fus enfantée quand il n'y avait point d'abîmes,
Point de sources chargées d'eaux.

Avant que les montagnes soient affermies,
Avant que les collines existent, je fus enfantée.

Il n'avait encore fait ni la terre, ni les campagnes,
Ni le premier atome de la poussière du monde.

Lorsqu'il disposa les cieux, j'étais là…

Lorsqu'il traça un cercle à la surface de l'abîme,
Lorsqu'il fixa les nuages en haut,
Et que les sources de l'abîme jaillirent avec force,
Lorsqu'il donna une limite à la mer,
Pour que les eaux n'en franchissent pas les bords.

Lorsqu'il posa les fondements de la terre,
J'étais à l'œuvre auprès de lui,
Et je faisais tous les jours ses délices,
Jouant sans cesse en sa présence,
Jouant sur le globe de sa terre,
Et trouvant mon bonheur parmi les fils de l'homme.

Et maintenant, mes fils, écoutez-moi,
Et heureux [ashre] ceux qui observent mes voies !

Écoutez l'instruction, pour devenir sages,
Ne la rejetez pas.

Heureux [ashre] l'homme qui m'écoute,
Qui veille chaque jour à mes portes,
Et qui en garde les poteaux !

Heureux [ashre] l’homme qui a trouvé la Sagesse…


Elle est un Arbre de Vie pour ceux qui la saisissent,
Et ceux qui la possèdent sont heureux…




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